VIDEO. Comment Malik crée du lien entre les habitants de l'un des quartiers les plus pauvres de Blois – France 3 Régions

Malik Boufatah est bien plus qu’un acteur social. Dans le quartier Kennedy à Blois, la zone la plus pauvre de cette commune du Centre-Val de Loire, le jeune homme de 31 ans a créé pas moins de six associations. Elles animent la vie de la cité, et prouvent que l’engagement citoyen peut-être fort dans les quartiers populaires.
En arrivant le matin sur le parking où il nous a donné rendez-vous, on a vu arriver Malik Boufatah de loin, glissant sur sa trottinette électrique. Au guidon de son deux-roues, il avait accroché les poignets d’un petit sac en plastique blanc. « C’est les gâteaux que ma mère a fait pour l’aïd. Vous m’accompagnez ? Je vais les donner à mes collègues. » C’est comme ça que ça a commencé. Par une des scènes de solidarité les plus mythiques des quartiers populaires.
Il a les lunettes sur le nez, la coupe au gel et la sacoche sur le côté. Malik n’a pas seulement tous les critères vestimentaires pour être l’heureux élu du contrôle de routine d’un officier de police, il a surtout à son actif la création de Libre comme l’ère. Une fédération qui regroupe six associations pour animer la vie politique de son quartier, en sensibilisant notamment à l’environnement et à l’engagement citoyen. 
Je m’habille comme ça parce que c’est important que les gens comprennent qu’on n’est pas obligés de mettre des costumes pour faire de la politique. Ça fait aussi partie de l’adaptation du langage politique à notre contexte, rester comme on est, pas se déguiser.

Un des nombreux objectifs de Malik est de casser la distance entre l’image officielle de la politique et les jeunes citoyens qui l’entourent. Il souhaite pour cela créer une nouvelle méthode, dans le but d’impliquer la jeunesse de son quartier dans l’organisation de la vie en communauté. 
De retour d’un séjour à Lyon où il a étudié la musique dans un conservatoire, Malik ne sait pas vraiment ce qu’il veut faire. Après un petit passage à la mission locale de sa ville, il a un déclic. « Je fais la rencontre de Thomas Prigent qui est le directeur de la structure. Il me fait tout de suite confiance, il m’accompagne et il me laisse carte blanche sur tous les projets que je veux monter. » 
La machine est lancée, et en 2018 il passe un Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport. « Un matin en discutant avec un de mes amis du quartier, il me dit : « Nous aussi on veut le faire », et c’est comme ça que j’ai nommé le projet que j’ai mené en alternance à l’Espace Mirabeau ici dans ma ville. » 
L’après-midi. Alors que Malik nous parle, tout grouille autour de lui, les enfants, les jeunes, et la vie. « Il était complètement mort ce quartier avant, nous dit Dollar, un jeune habitant de la cité. Regardez autour de vous maintenant. Sans blaguer, c’est vraiment grâce à ce qu’il a fait que cet engouement existe aujourd’hui. » Au début, pas besoin que tout le monde y croie. Il suffit de la volonté d’une seule personne pour que tout reprenne. « Sans Malik, je ne serais jamais engagée comme ça, lance Soukenatou, membre des associations. Et c’est presque pareil pour tous les autres dans le quartier. » 


On vit ici dans une autre dimension du temps politique, alors que les invectives continuent de pleuvoir sur les plateaux télés. Les chroniqueurs politiques continuent de figer les habitants des quartiers populaires dans une image de jeunes émeutiers désintéressés des questions politiques. Mais des hommes et des femmes, voilées ou non, débattent et s’activent sur les marches d’une église, place de la Laïcité. « Ça ne nous intéresse pas ce qui se dit dans les débats à la télé », nous dit d’abord Aïcha, jeune membre de la fédération Libre comme l’ère. « On a l’impression qu’on y parle de choses qui ne nous concernent pas. Nous ici, on se sent obligés de faire notre propre politique et de nous engager, parce que sinon ils ne le feront pas pour nous. »
On ne devrait peut-être plus s’en remettre aux instruments officiels pour mesurer l’activité politique d’un quartier populaire. Ici à Blois par exemple, presque personne n’a voté, mais quasiment toute la jeunesse est impliquée dans les actions citoyennes du quartier. « Il y a la politique des urnes, et c’est sûr elle est très importante, mais ça commence surtout par celle qui se fait en bas de son immeuble, conclut Malik.
Boufatah, ça veut dire celui qui a les clefs en arabe. C’est un hasard ?

source

Comments

  • No comments yet.
  • Add a comment